Entretien
3 minSanté au travail : comment en parler
À la fois personnelle et pouvant considérablement impacter votre quotidien et vos missions au travail, la santé est un sujet à la fois délicat et complexe à aborder. Dans quelle mesure le faire au travail et avec qui ? Entretien avec Pascale Boidron et Emmanuelle Joly-Rivoal, toutes deux Assistantes du service social de la CARSAT (Caisse d'Assurance Retraite et de la Santé au Travail) de Nantes Beaulieu.
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Existe-t-il des obligations légales de parler de son état de santé au travail ?
Emmanuelle Joly-Rivoal :
C’est une question que nous posent souvent les salariés. Il n’y a aucune obligation et la loi rappelle d’ailleurs qu’il appartient à chacun d’en parler ou non. Certains employeurs interrogent parfois leurs salariés sur les raisons d’un arrêt de travail, mais vous n’avez aucune obligation d’en donner le motif. C’est différent pour un accident de travail, mais aussi en cas de maladie professionnelle qui est une affection liée à l'exposition plus ou moins prolongée à un risque dans l'exercice de sa profession.
Pascale Boidron :
Même s’il y a une demande d’adaptation du poste de travail, l’employeur n’a pas besoin de connaître le problème de santé. En revanche, il doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité, mais aussi protéger la santé physique et mentale de l’ensemble des salariés de l’entreprise qu’il dirige.
À qui parler d’un problème de santé ?
P.B :
Le médecin généraliste est au premier plan. Le médecin de la Sécurité sociale et du travail également, quand ce problème interfère avec la vie professionnelle. Pour parler d’un problème de santé, il est important que vous soyez face à un interlocuteur de confiance. De nombreux acteurs au sein de l’entreprise interviennent en plus des médecins (infirmières, psychologues, assistantes de santé au travail, service RH…). En tant qu’assistantes du service social de la CARSAT, nous avons aussi cette mission même si nous sommes extérieures à l’entreprise. Tenues au secret professionnel, nous sommes des interlocutrices de confiance pour écouter, échanger, conseiller quand un problème de santé questionne le maintien dans l’activité professionnelle. Nous pouvons dans certaines situations être amenées, avec l’accord du salarié, à faire le lien avec les médecins, en vue d’une meilleure lisibilité et compréhension de la situation.
E.J-R:
Nous avons plusieurs dispositifs et méthodologies à notre disposition, mais nous travaillons au cas par cas. Un problème de santé peut avoir des impacts très différents : nécessiter une adaptation du poste, une réduction du temps de travail, enclencher un projet de reconversion avec l’appui de Mon
CEP
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... En parler peut-être plus ou moins bien accueilli au travail en fonction de la taille de l’entreprise, de la pathologie, du temps d’activité, des relations avec la hiérarchie et ses pairs, etc. Face à un problème de santé, il est important que vous soyez accompagné, au fil de l’avancée de la situation, des soins et du dialogue.
Faut-il tout dire ? Par exemple, parler d’une maladie physique ou psychologique passagère à son supérieur ?
P.B : Pas nécessairement. L’important est de formuler ce qui va aider au maintien dans l’emploi et à son bon déroulé dans l’entreprise, ou en dehors de celle-ci si cela est nécessaire. Une entreprise est un système complexe qui se construit autour d’acteurs variés. Un directeur peut, par exemple, accepter le problème de santé d’un salarié, alors que sur le terrain ses collègues ne l’acceptent pas. De façon générale, le dialogue est constructif car il permet de désamorcer des quiproquos.
E.J-R: Attention aux échanges numériques qui ont explosé avec la crise sanitaire. Nous vous recommandons, en effet, d’être vigilants sur l’envoi d’informations par email. Certaines personnes nous envoient leur dossier médical ou des infos personnelles et sensibles qui peuvent être piratées.
Quels changements constatez-vous avec la crise de la Covid-19 ?
E.J-R: Nous avons beaucoup écouté et rassuré les salariés. Les personnes que nous avons rencontrées avaient parfois plus peur de l’aspect économique que de l’aspect santé de la Covid-19. Cela dépend, toutefois, des métiers exercés car certains salariés étaient en première ligne.
P.B : J’ai le sentiment qu’avec la crise sanitaire, le télétravail, un emploi du temps professionnel et personnel complètement chamboulé, il faut être très vigilant face aux risques psychosociaux déjà en augmentation ces dernières années. Ces risques peuvent concerner toutes les entreprises et impacter la santé physique et mentale des salariés. J’ai aussi constaté, au fil des mois, une augmentation des demandes de changement d’orientation professionnelle. Mon CEP est le dispositif que j’ai mobilisé, avec plusieurs salariés.
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