Entretien

5 min

L’initiative : Nicolas Peyronnet et la plateforme ESS 2024 pour les Jeux Olympiques

En vue des Jeux Olympiques2024, le comité d’organisation Paris2024 s’est associé à l’association Les Canaux pour développer le programme ESS2024. Objectif ? Permettre aux entreprises de l’économie sociale et solidaire (ESS) de prendre toute leur part dans l’organisation des Jeux, afin de rendre ces derniers plus durables, inclusifs et solidaires. Nicolas Peyronnet, responsable du programme ESS2024 porté par l’association Les Canaux, nous présente cette initiative inspirante.

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Pouvez-vous nous rappeler ce qu’est l’ESS  ? Quels en sont les différents types d’acteurs  ?

Nicolas Peyronnet : « L’économie sociale et solidaire est un champ de l’économie qui a pour objectif de concilier utilité sociale, performance économique et gouvernance démocratique. Concrètement, en plus des entreprises qui s’intègrent dans cette démarche, cela regroupe les coopératives, les associations, les fondations et les mutuelles. 

S’il y a de plus en plus un focus environnemental dans l’ESS, on y retrouve deux grands secteurs historiques : celui de l’insertion par l’activité économique (IAE, avec des entreprises et des chantiers d’insertion qui s’adressent à des publics éloignés de l’emploi) et le secteur du travail protégé et adapté (STPA, c’est-à-dire le champ du handicap, avec notamment les entreprises adaptées et les ESAT, ex-CAT). »

Quelle est l’ambition de Paris 2024 à travers le programme ESS 2024  ?

« Dans un contexte où l’organisation des Jeux doit désormais profiter pleinement aux villes et territoires où ils se tiennent, le CIO et le comité Paris 2024 accordent une attention particulière à l’« héritage » des Jeux. 

Nous nous inscrivons dans cette perspective, avec un programme qui vise à associer davantage d’acteurs locaux, et à donner une dimension plus durable et plus sociale à l’organisation de ce grand événement. Il faut souligner que cette initiative est une première dans l’histoire des Jeux olympiques et paralympiques. »

Comment faites-vous pour mieux associer les acteurs de l’ESS à l’organisation des Jeux  ?

« Nous avons trois grands chantiers complémentaires. D’abord, rendre les entreprises de l’ESS plus visibles auprès des grands donneurs d’ordres (essentiellement Paris et les villes co-organisatrices dans toute la France) qui passent les marchés publics relatifs à l’organisation des Jeux. 

Ensuite, permettre aux acteurs de l’ESS d’avoir accès à ces marchés, d’une part en travaillant avec les donneurs d’ordre à la rédaction de cahiers des charges plus inclusifs dans chaque secteur (division en plusieurs lots, clauses spécifiques…), et d’autre part en proposant une veille aux entreprises de l’ESS sur les marchés auxquels elles peuvent candidater. Enfin, lorsqu’elles choisissent de répondre, nous les accompagnons dans cette démarche, car la commande publique répond à des règles spécifiques, souvent plus complexes que dans le privé. »

Pourquoi cet accompagnement des entreprises et structures de l’ESS est-il clé  ?

« Les acteurs de l’ESS, souvent de taille modeste, n’ont pas les mêmes moyens que les grands groupes. Ils ne disposent pas forcément d’équipe de communication pour se faire connaître, ou de pôle affaires publiques pour entretenir des liens avec les donneurs d’ordre. Ils n’ont pas non plus d’équipes chargées de développement, dédiées à la veille sur les marchés publics. Ni d’experts pour y répondre, rompus aux procédures et à la rédaction de tous les documents demandés. 

C’est pourquoi nous les accompagnons, gratuitement bien sûr, à ces différents niveaux — tout en les laissant toujours autonomes quant au contenu de leur réponse. En résumé, nous menons un travail d’égalité des chances sur les marchés liés à l’organisation des Jeux. »

Comment avez-vous travaillé pour référencer ces structures, et combien en dénombrez-vous aujourd’hui  ?

 « Nous opérons d’abord un vrai travail de terrain. Entre 2019 et 2021, nous avons organisé une « tournée » ESS 2024 : le plus possible malgré la crise sanitaire, nous sommes allés dans les différents territoires, en métropole et en outre-mer, qui vont organiser des épreuves des Jeux (voile à Marseille, handball à Lille, surf à Tahiti, football dans les stades de Nantes, Toulouse, Saint-Étienne, Marseille ou Lyon…). Cela afin de nous adresser au maximum de structures possible. En juin 2022, nous sommes à plus de 5 100 acteurs référencés à travers le pays et 50% de ces structures appartiennent à l'ESS. »

 

Comment fonctionne ce référencement  ?

 « En pratique, cela se fait en ligne, via un formulaire sur notre plateforme ESS 2024. Les structures saisissent tous les renseignements concernant leur raison sociale et leur activité. Ensuite, quand nous avons un marché susceptible de les intéresser, nous les contactons pour voir si elles souhaitent y répondre, et éventuellement les accompagner. »

Vous référencez également un certain nombre de TPE et PME n’appartenant pas à l’ESS. Est-ce aussi un moyen de faire évoluer les entreprises « traditionnelles »  ?

« En effet, 70 % des structures que nous référençons appartiennent à l’ESS, mais pas toutes. C’est un autre de nos objectifs : créer des liens entre l’ESS et les sociétés purement commerciales. Nous créons ainsi des passerelles entre les différents acteurs, pour faire émerger des groupements en mesure de répondre à des marchés plus importants. Parfois, cela intègre des acteurs de l’économie traditionnelle, y compris des grands groupes qui ont besoin de sous-traitants et peuvent les trouver au sein de l’ESS. On voit d’ailleurs que leur propre mentalité évolue vis-à-vis de l’ESS et de ses acteurs, à mesure qu’ils apprennent à les connaître et que la législation impose des normes favorisant leur intégration aux marchés publics, notamment du point de vue environnemental. »

Pouvez-vous nous citer quelques exemples de vos interventions en faveur des acteurs de l’ESS  ? 

« Je pense à des marchés de restauration notamment, sur lesquels on a beaucoup travaillé avec Paris 2024 pour leur permettre de les adapter, de les diviser en lots et d’y intégrer des clauses qui vont faciliter l’accès notamment à des entreprises du champ de l’insertion ou du handicap. Il y a aussi eu un marché concernant le mobilier du nouveau siège des Jeux à Saint-Denis, dans lequel nous avons contribué à intégrer des critères sur le réemploi, ce qui favorise les entreprises pratiquant une économie circulaire. 

Autre exemple de notre intervention : pour le marché dédié au centre aquatique olympique qui va être construit à côté du Stade de France, nous avons organisé un webinaire de rencontre entre une vingtaine d’entreprises afin qu’elles fassent connaissance, et voient éventuellement comment s’organiser pour y répondre. 

En fait, on est un peu le site de rencontre de l’ESS ! (rires) »

Au final, pouvez-vous déjà quantifier l’impact de votre programme sur le « recrutement » de Paris 2024  ?

 « On estime que l’ensemble des Jeux de Paris 2024 devrait mobiliser (sans les avoir forcément créés) près de 150 000 emplois. 

De notre côté, on sait quantifier les entreprises référencées, et celles qui sont lauréates des marchés. Sur ce dernier point, nous avons déjà 220 structures accompagnées qui ont décroché des marchés Paris 2024 : parfois ce sont de petits marchés de sous-traitance, mais parfois aussi de gros marchés (je pense par exemple à un groupement qui a pu remporter l’aménagement paysager du village olympique). 

Au global, on sait que la part des commandes qui va revenir à l’ESS restera assez faible, notamment du fait des contraintes liées aux délais et aux coûts qui restent très fortes et prioritaires par rapport à nos enjeux à nous… Mais à l’approche des Jeux et alors que 50 % des marchés doivent sortir cette année, nous faisons le maximum et nous sommes plus mobilisés que jamais ! »

Pour développer ESS 2024, le comité d’organisation Paris 2024 et la Société de Livraison des Ouvrages Olympiques (SOLIDEO) se sont associés à l’association Les Canaux et au Centre Yunus.

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